Madrid 11-M 2004 la manipulation


Le 11 mars 2004, l’explosion des bombes posées par les terroristes dans quatre trains de banlieue se dirigeant vers la gare d’Atocha à Madrid a provoqué la mort de 191 personnes et a blessé 2 062 voyageurs. Ces attaques se produisant quelques jours avant les élections générales en Espagne ont eu un impact considérable sur le résultat sorti des urnes. Le Parti populaire du premier ministre José María Aznar, donné pourtant largement gagnant avant les explosions, était facilement battu par le Parti socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero.

Jean Chalvidant

 

En dépit de l’impact psychologique considérable des attentats sur l’opinion publique, il ne s’est produit aucun acte de violence à l’encontre des populations arabes vivant dans le pays.

Mikel Antza, un des chefs les plus recherchés de l’ETA.

En ce soir du 10 mars 2004, les collaborateurs de José María Aznar lui ont préparé un magnifique cadeau de fin de règne : l’arrestation de la "cúpula" d’ETA, son état-major. Car depuis quatre ans, Mikel Antza, le chef de la bande terroriste est pisté, et localisé. Et autant profiter de l’effet psychologique sur la population, le coup de filet sera annoncé le 12 mars, deux jours avant les élections législatives. Le président, qui ne se représente pas, laissera donc son parti, le PP, dans les meilleures conditions pour affronter le PSOE, le Parti socialiste espagnol, qui gouverna l’Espagne avec Felipe González de 1982 à 1986. D’ailleurs, toutes les enquêtes d’opinion s’accordent sur un point : le Parti populaire va largement l’emporter, avec 6 ou 8% d’avance. Car Eta constitue la principale préoccupation de l’exécutif espagnol. Depuis trente-cinq ans, elle sème la terreur et le sang sur toute la Péninsule : 825 victimes, des milliers de blessés, des attentats aveugles et terrifiants, tels celui du supermarché Hipercor de Barcelone, causant 21 morts, ou celui de la cafétéria Rolando de Madrid, laissant 12 corps sans vie. Aznar ne mésestime pas le pouvoir de nuisance de l’organisation : huit jours plus tôt, la Garde civile a intercepté par hasard du côté de Cuenca une camionnette conduite par deux étarres, transportant 506 kilos de chlorate et 30 kilos de dynamite. De quoi commettre un attentat d’une redoutable ampleur. D’ailleurs, des informations sont parvenues à La Moncloa : l’organisation terroriste prépare un attentat.
Et si Eta avait l’intention de bouleverser les élections ?

Le massacre
11 mars, entre 7h39 et 7h42 du matin. Dans quatre trains de banlieue, venant de Guadalajara et d’Alcala de Henares roulant vers la gare d’Atocha, dix sacs à dos chargés de Goma2 explosent. Les terroristes ont calculé que les trains seraient alors en gare au moment de la matinée où la fréquentation est la plus élevée, où les banlieusards se hâtent de rejoindre leurs chantiers, leurs bureaux. Avec un peu de chance, le bâtiment s’effondrera, causant un nombre considérable de victimes, à l’imitation de l’attentat des "Twin Towers" de Manhattan. En ce petit matin blême, 192 personnes ont rendez-vous avec la mort, dans le plus grand massacre commis en Espagne par une bande criminelle.


Les terroristes avaient planifié les explosions de telle sorte qu’elles aient lieu dans la gare d’Atocha afin de maximiser les dégâts et les victimes parmi les voyageurs.

Ci-contre : des blessés de l’attentat attendent hagards l’arrivée des secours.

Le spectacle est dantesque : wagons déchiquetés, corps meurtris, bénévoles en pleurs, sauveteurs débordés, ambulances ivres, gyrophares allumés, roulant dans tous les sens. Les télévisions du monde entier retransmettent en direct les images, en évitant pudiquement de montrer l’horreur profonde du carnage : les corps coupés en deux; les membres déchiquetés, les mères en sang tenant dans leurs bras leur enfant sans vie, des jeunes gens se tenant à deux mains le ventre transpercé, les entrailles saillantes comprimées par leurs doigts trop fins. Du sang, du sang partout. Un spectacle d’apocalypse, qui bouleverse la terre entière.

Un second attentat passé inaperçu

Les terroristes ont décidé de frapper l’Espagne avant le début de l’intervention espagnole en Irak. Ici, la ministre Ana de Palacio avec le sous-secrétaire d’État Paul Wolfowitz.

L’information a peu été relevée ; et pourtant, elle éclaire en partie les événements de l’année dernière. Le 19 octobre 2004, 17 islamistes sont arrêtés lors de l’Opération Nova
à Almeria, Malaga, Valence et Madrid, accusés de former une cellule terroriste destinée à faire voler en éclats le palais de Justice de Madrid (situé dans la même rue que le siège du PP, calle Génova) avec un camion chargé de mille kilos d’explosifs. Une tentative " à la libanaise" qui aurait pu faire plus de quatre cents victimes.
Le groupe prend forme à la fin 2001, à l’intérieur de plusieurs prisons espagnoles, dont celle de Topas, à Salamanque. Ses premiers membres sont des prisonniers communs d’origine musulmane, qui avec le temps, vont radicaliser leurs postures via des contacts avec des détenus ou des envois postaux reçus d’islamistes, en particulier du GIA algérien. À sa tête, on trouve Mohamed Achraf, originaire des Émirats arabes, dit "Emir du groupe salafiste", lié aux mujahidines européens. L’idée du futur attentat vient de lui, afin "de donner à l’Espagne le coup le plus dur qu’elle ait jamais reçu de toute son Histoire. Et si elle perd trois ou quatre juges très importants, ce sera pire pour elle que de perdre le président du gouvernement." Autre effet, l’explosion aurait anéanti les nombreuses archives concernant les terroristes arabes, l’Espagne étant le pays européen ayant arrêté le plus d’activistes fondamentalistes depuis les attentats de Manhattan. La tentative échoue grâce à un mouchard marocain, connu sous le numéro 11.304, qui informe à la fois les services espagnols et marocains de l’existence d’un groupe islamiste dénommé «Martyrs pour le Maroc », composé de Abdellah Hawari, Mohamed Hamid, Rachid Mohamed et Mohamed Boukiri. Les investigations du juge Garzón en novembre dernier débouchèrent sur des révélations qui font froid au dos.
Un deuxième commando, mené par Dibali Abdellah, alias Addila Mimon, s’apprêtait en ce début d’année à faire exploser successivement les gares d’Atocha et Principe Pío, la tour Picasso, le siège du Parti populaire, le Palais des Expositions et le stade Santiago Barnabeu. Seule la célérité des forces de l’ordre empêcha les activistes de passer à l’acte et la totalité des islamistes composant le commando a été arrêtée. Un simple rappel : les troupes espagnoles ont été retirées d’Irak par le président Zapatero en juin 2004, soit six mois avant le passage à l’acte des terroristes. Une preuve supplémentaire que l’argument selon lequel le lien entre les attentats et la présence de l’armée espagnole à Bagdad ne tient pas. Les terroristes ont décidé de frapper l’Espagne avant le début de l’intervention espagnole en Irak. Ici, la ministre Ana de Palacio avec le sous-secrétaire d’État Paul Wolfowitz.


Naturellement, c’est ETA. Réuni en cabinet de crise à La Moncloa, le gouvernement pointe immédiatement du doigt le coupable: c’est ETA bien sûr. Seule cette organisation a la capacité et la volonté de commettre un tel forfait.
Et les exemples abondent: en décembre 1999, le groupe terroriste avait voulu faire voler en éclats la Tour Picasso, un des gratte- ciel de la capitale, abritant 5 000 personnes. Seule l’arrestation du commando à Calatayud, alors qu’il allait déposer 1,7 tonne de dynamite dans le parking souterrain de la tour, avait empêché la tragédie. De même l’interception en octobre 2000 de deux étarres avait empêché ETA de piéger un ferry-boat assurant la liaison entre Valence et Palma de Majorque. 1 400 personnes étaient à bord. Dans les deux cas, il se serait agi d’attentats de masse. Comme en ce 11 mars. Et chacun se souvient des paroles de l’activiste Belén González Carmen, lors de son procès : "Au moment où nous devrons engager des pourparlers, il faudra que nous mettions cent morts sur la table de négociation." Ce jour est-il arrivé ?
Etant donné la nature de l’attaque, c’est tout naturellement que la police espagnole suspecte les activistes de l’ETA d’avoir commis l’attentat du 11 mars à Madrid. Dans les heures qui suivent, des affiches sont diffusées dans toute l’Espagne avec le visage des etarres les plus recherchés.

Le choix du gouvernement
Ouvertement , l’exécutif espagnol décide de jouer la transparence. Le jeune ministre de l’Intérieur, Ángel Acebes est désigné pour comparaître devant la presse.
Ce qui constitue une erreur fondamentale, que le parti au Pouvoir va payer au prix fort. Là où il aurait fallu un haut gradé de la police, en uniforme, toutes médailles dehors, pour dépolitiser l’affaire, on décide de placer devant les caméras un membre du gouvernement, qui tient un discours assez convenu "oui, c’est ETA. Les investigations suivent leur cours " et révèlent pratiquement heure par heure les évolutions de l’enquête. Ce qui fait pester les forces de l’ordre, qui n’apprécient guère que des bavardages médiatiques les empêchent de travailler dans la sérénité et le secret. Il faut dire qu’en ce 11 mars, c’est tout le monde politique qui lui emboîte le pas.
José María Michavila, ministre de la Justice, Javier Arenas, ministre du Travail et des Affaires sociales et Angel Acebes, ministre de l’Intérieur de José María Aznar.
Depuis Ibarretxe, le chef du gouvernement basque, qui traite les étarres de "vermines" jusqu’au candidat à la présidence, le socialiste
José Luis Rodríguez Zapatero qui déclare: "ETA a essayé d’intervenir dans la campagne…
En réaction contre elle, il faut que
dimanche, il y ait dans les urnes une participation massive." Car au-delà du drame, l’enjeu est politique et l’équation simple : si effectivement ETA est l’auteur du crime, le candidat du PP, Mariano Rajoy sera élu dans un fauteuil. Par sa connaissance des dossiers – il est l’ancien ministre de l’Intérieur – il sera le mieux placé pour combattre le terrorisme basque. Si en revanche, il s’agit d’un attentat commis par une autre organisation, et l’on pense en ce cas à Al-Quaeda, alors Zapatero a toutes ses chances. Ne dénonce-t-il pas le choix d’Aznar d’avoir envoyé en Irak une force de 1 300 hommes, contre son opinion publique, réfractaire à sa décision à près de 91%. Insidieusement, le doute s’installe. Tout d’abord, c’est Arnaldo Otegi, dirigeant du parti indépendantiste Abertzaleen Batasuna et ancien étarre, qui exonère ses anciens camarades d’un tel forfait.

Une enquête vraiment très exemplaire
Ensuite, et surtout, l’enquête avance. À Alcala de Henares, une camionnette volée a été découverte. On y trouve sept détonateurs, des restes de matériel explosif et une cassette audio contenant une initiation au Coran à destination des enfants. Rien de vraiment probant, mais le doute s’installe dans les esprits ; d’ailleurs, Acebes à 20h20 rend compte de la trouvaille, en ajoutant que cette piste ouvre de nouvelles possibilités, mais réaffirme n’avoir aucune raison de ne pas suivre prioritairement celle d’ETA. Plus probant semble être, dans la nuit du jeudi au vendredi 12, la découverte d’un sac apporté avec d’autres effets en vue d’inventaire au commissariat de Villa de Vallecas contenant des explosifs n’ayant pas explosé en gare.

Mohammed l’Egyptien.

Il est celui qui a conçu l’attentat et l’a planifié. Il s’appelle Rabei Osman El Sayed et se fait appeler L’Egyptien, bien qu’il soit né au Maroc il y a trente trois ans. Repéré grâce à
des écoutes téléphoniques, ses conversations ne laissent aucun doute sur son implication dans l’attentat: "Ceux qui sont morts en martyrs à Madrid étaient mes très chers frères. C’était mon projet, qui m’a coûté beaucoup de patience et beaucoup
d’efforts. Il m’a pris deux ans et demi. " Ou encore : " Le fil de Madrid, c’est moi. Et bien qu’au moment des faits, je n’y étais pas, je dis la vérité. Avant l’opération, le 4, j’étais en contact avec eux. Ne dis rien, car je travaille en solitaire, et eux en groupe. " Et sur l’élection de Zapatero, il avoue : " Il a été très intelligent, parce qu’aussitôt après avoir été investi, il a pris contact avec les Marocains et les Arabes. "
De 1999 à 2001, il vit en Sarre, dans le sud-ouest de l’Allemagne, se dit Palestinien et est arrêté et incarcéré au pénitencier d’Ottweiler, où il étudie le Coran, tout en étant chargé de la propreté du bloc. Libéré, les autorités l’admettent dans un centre de réfugiés, à Lebach et lui accordent un permis provisoire d’un an pour séjourner sur le sol allemand. Sans crier gare, il s’enfuit, séjourne en Autriche et en France, en organisant des cellules d’Al-Quaeda et préparant des muyahidin à combattre en Afghanistan et en Iraq. Il rejoint enfin à Madrid Le Tunisien, l’un des immolés de Leganés, avec qui il vivra un an et formera le commando. Pour finalement partir en Italie, d’où il suivra les préparatifs de l’attentat. Arrêté à Milan le 7 juin dernier grâce à un numéro de téléphone, le 0039 33914922264, trouvé chez l’un de ses hommes, Fouad el Morabit, il est transféré à Madrid le 7 décembre et risque trente ans et un jour de détention, la peine de mort n’existant plus en Espagne.

Deux photos différentes de Jamal Zougam.

Mis à contribution, les artificiers réussissent à désamorcer la charge et mettent à jour 10 kilos d’explosif, deux cents vis, une sorte de pâte similaire à de la pâte à modeler de dix kilos, de Goma2 et un emballage présentant un numéro de série à huit chiffres. Et surtout un téléphone portable de marque Mitsubishi «Trium» avec une carte à puce prépayée. Le dispositif est diabolique, le téléphone reçoit un appel, ou son alarme est activée, l’impulsion électrique, via un câble, va jusqu’au détonateur et active l’explosif. Ce sera le début du fil rouge menant aux terroristes. Le portable possède un numéro de série, qui conduit les enquêteurs jusqu’à une boutique du quartier d’Alcorcón où ils passent les menottes à deux ressortissants indiens, Suresh et Vinay Kholy, qui tombent des nues. Spontanément, ils avouent aux policiers qu’ils ont vendu 13 portables (le même nombre que les bombes, puisque trois n’ont pas explosé) du même type, ainsi que 57 cartes à puce à la boutique "Nuevo Siglo" sise à Lavapiés, un quartier accueillant une forte communauté musulmane. Le patron est bien connu des services de renseignement, pour ses liens avec la cellule espagnole d’Al-Quaeda, démantelée en novembre 2001. Il s’agit d’un Marocain, Jamal Zougam. Nous sommes le samedi 13 mars. Il est 16 heures. Il en reste autant avant l’ouverture des bureaux de vote. À ce moment précis, la piste ETA vient de s’effondrer véritablement.
Hamidu Laanigri.

La nébuleuse islamiste
à gauche: Jamal Ahmidan, un Marocain de Tetouan surnommé le "Chinois" à cause de ses yeux légèrement bridés.
à droite: Mohamed Oulad Akcha, il se suicide quand 300 policiers donnent l’assaut à leur repaire.

Dès lors, l’enquête s’emballe. Du Maroc, le colonel Hamidu Laanigir, haut responsable des
forces de sécurité affirme que dans son pays, plus de 1.500 activistes d’Al-Quaeda attendent le moment de passer en Europe où ils seront chargés de recruter de nouveaux
membres. Ils passeront inaperçus dans la masse des immigrés, car ils sont plus de quatre millions à transiter chaque année par Algesiras. Deux cellules sont nommément désignées : Al Oyssoud ak Khalidine ("les Lions éternels"), ainsi que le Groupe islamique combattant marocain (GICM). Les arrestations se poursuivent et plusieurs commanditaires démasqués: Abdelkrim Mejati, considéré comme le "Ben Laden marocain", l’homme aux mille visages, ce qui lui permet de passer pour un Européen, vu à Madrid trois jours avant l’attaque terroriste. Ou Amer Azizi, alias Otman Al Andalusi, un ancien combattant d’Afghanistan, qu’on soupçonne d’être le chef militaire d’Al-Quaeda en Europe, Ramzi Binalshibb, financier du réseau terroriste et Mustafa Setmariam Nasar, alias Abu Musab al Suri, pour qui les États-Unis offrent cinq millions de dollars à qui le retrouvera. Et surtout deux hommes : Eddin Barakat Yarkas, dit Abu Dhadah, tête visible d’Al-Quaeda en Espagne, considéré comme l’auteur "intellectuel" du forfait, bien que séjournant en prison dans la Péninsule depuis novembre 2001 et Rabei Osman El Sayed, alias L’Egyptien qui déclarera dans une conversation téléphonique interceptée "Je suis immensément content que le gouvernement de ce chien d’Aznar soit tombé.". Enfin à Morata de Tajuña, près de
Chinchón, on découvre grâce à la technique de la triangulation, permettant de suivre les signaux émis par un téléphone portable, une bicoque servant de base opérationnelle aux islamistes. Trois semaines après l’attentat du 11-M, l’heure est donc à la satisfaction, d’autant plus que la police a « logé » le reste du commando. Il se terre à Madrid, au 40 de la calle Carmen Martín Gaite, dans le quartier de Leganés. Avec précaution, les forces de l’ordre encerclent l’immeuble le samedi 3 avril, mais ils sont vite repérés par les terroristes, qui ouvrent le feu en chantant des cantiques coraniques et invoquant le nom d’Allah. Décidés à mourir, ils constituent un cercle afin de partir ensemble au paradis, se recouvrent la tête d’un drap de couleur beige clair, une manière de se purifier avant de procéder à l’immolation. Puis activent leur bombe de quinze kilos de Goma2. Le souffle de l’explosion projette les corps à plus de soixante mètres et provoque un cratère au sol de quelque dix mètres de diamètre.
L’écheveau est maintenant dénoué. Trois groupes associés à Al-Quaeda se sont unis pour planifier et exécuter les attentats : le Groupe islamique combattant marocain (GICM), également connu comme « les salafistes yihadistes », son homonyme Groupe combattant
tunisien, et le groupe égyptien Takfir wal Hijra. L’ensemble obéissant à Rabei Osman, alias L’Egyptien, chef militaire des « takfires » en Europe. Le financement étant assuré par l’imam saoudien Salman Al Aouda, ami personnel de Ben Laden. Le commando opérationnel, sous les ordres du Tunisien, était scindé en trois groupes :
le premier voué à la préparation idéologique des islamistes ;
un second chargé de la construction de la planque de Chinchón pour cacher les explosifs fabriqués.
Le dernier, composé de simples délinquants s’occupant du trafic de drogue permettait d’obtenir de l’argent liquide.
Bien que trente activistes soient aujourd’hui derrière les barreaux, l’enquête est toutefois loin d’être terminée, puisque la police recherche encore à ce jour cinq auteurs matériels de l’attentat, dont les empreintes digitales ont été relevées dans la fourgonnette d’Alcala. Ainsi s’achève la triste histoire d’une série d’attentats qui a révolté le monde entier. L’exploitation médiatique et politique commence maintenant.

Le dessous des cartes
Durant les trois jours séparant l’attentat des élections, les Espagnols suivent avec anxiété et rage l’évolution de l’enquête. Et la presse, dans sa diversité, rend compte de ce qu’elle sait, ou de ce qu’elle ressent. Tout d’abord unanime le jeudi à condamner ETA, elle doute dès le vendredi, bien qu’Aznar ait pris la peine de téléphoner en personne aux principaux directeurs des journaux afin de leur confirmer que les terroristes basques sont
bien les auteurs de l’attentat. Ce qui constitue une faute politique qui lui sera longtemps
reprochée. Avec le recul et toute l’objectivité nécessaire, force est de constater que le public, ou plutôt les électeurs espagnols, a été pris en otages par une double manipulation médiatique, de droite, puis de gauche.

Les médias de droite manipulent par omission
Disséquons en premier lieu le rôle de la télévision d’État, TVE. L’étude des bandes enregistrées tout au long des 72 heures permet d’acquérir un certain nombre de certitudes, dont la principale est de n’avoir pas été à la hauteur de la situation. Ainsi ne
diffuse-t-elle pas le jeudi la déclaration de l’ancien étarre Otegi exonérant ETA du forfait. Ainsi, après l’annonce du ministre de l’Intérieur de la cassette en arabe, TVE donne l’information en quelques secondes, sans conclure.

Voici les visages de cinq de 74 personnes impliquées dans les attentats : Said Berraj « le messager », Mohamed Afalah, Mohamed Belhadj, Abdelmajid Bouchar et Hicham Ahmidan.


En revanche, les journalistes de la SER vont relayer grâce à leurs 187 émetteurs les informations concoctées par les éminences grises du Parti socialiste.

Ainsi Alfredo Urdaci, présentateur du Journal télévisé attribue-t-il le succès de la manifestation contre le terrorisme au gouvernement, omettant de préciser que l’ensemble des partis s’y étaient rattachés. Quant aux caméras, elles étaient braquées sur des pancartes impliquant ETA et non sur celles demandant "Qui sont les auteurs ? " Ces images seront émises en boucle sur le canal d’informations continues " 24 horas" pendant deux jours. Ainsi rediffuse-t-on un reportage de l’émission « Informe semanal » réalisé en février 1998 sur les victimes d’ETA, sans en préciser la date. Pour les esprits simples prenant le programme en cours, l’équation 11-M + victimes = Eta est indubitable. D’ailleurs, immédiatement après cette émission, alors que les arrestations des deux Indiens et de trois Marocains sont officielles, et que la piste ETA est abandonnée, la chaîne n’hésite pas à diffuser le documentaire "Assassiné en octobre", racontant le meurtre par ETA de l’homme politique socialiste Fernando Buesa et de son garde du corps.
Croire que TVE est un exemple isolé serait faux : TVG, la télévision de Galice, va projeter dans la nuit du vendredi un vieux documentaire sur le commando Madrid. De son côté, la COPE, une station de radio catholique, parle "d’intoxication" pour l’éventualité d’une piste islamiste. Quant à l’agence officielle EFE, elle se contente de diffuser des dépêches prudentes, certains syndicalistes invoquent même des actes de censure, et oublie de publier les communiqués en provenance des leaders du PSOE, des communistes d’Izquierda Unida, des républicains catalans de l’ERC ou du Parti nationaliste basque.

Les médias de gauche manipulent en truquant les faits
Les journalistes de la COPE collent de près à la version des faits du ministre de l’Intérieur.

Cette page du quotidien El Periódico de Cataluña est un modèle de désinformation à la veille des élections.
Les journalistes avancent la thèse d’une manoeuvre du gouvernement pour tenter d’occulter la piste islamique au profit de celle de terroristes de l’ETA. « Rideau de fumée, fable contre la montre » des qualificatifs très forts qui ont fait mouche auprès de l’opinion espagnole.


Braquons maintenant nos projecteurs sur une radio, qui a tenu un rôle prépondérant sur le changement de comportement de l’opinion : la Cadena SER, la plus importante de la Péninsule, avec ses 187 émetteurs, propriété du Citizen Kane espagnol, Jesús de Polanco, heureux possesseur du quotidien sportif As, de Canal +, et surtout du quotidien El País, pour les principaux. Un groupe fortement ancré à gauche. Dès le jeudi à 22h, sa journaliste judiciaire, Ana Terradillos annonce que dans un wagon du train se trouvait un kamikaze qui s’est fait sauter avec sa bombe. Le lendemain, le chroniqueur Carlos Carnicero déclare en direct : "Je crois que nous sommes devant une manoeuvre ressemblant fort à une intoxication." Et le samedi, dans le programme "Hora catorce", Javier Álvarez déclare : "Le CNI (les services secrets) croit que l’attentat est l’oeuvre du terrorisme islamiste. Des sources de cet organisme ont confirmé à notre rédaction que tous ses agents travaillaient à 99 % sur la possibilité que nous nous trouvions devant un attentat commis par des radicaux islamistes. Ces sources affirment que depuis jeudi, on a averti le ministère de l’Intérieur que l’hypothèse étarre était très vague." Cette information est répétée à de nombreuses reprises. Et pour parachever le tout, dans l’émission "Carrousel sportif", donc a priori exclusivement consacrée au sport, Paco González affirme au micro : "Demain, il y a les élections et moi qui suis athée en politique, je vais aller voter. Pour la simple raison que tous les politiciens ne sont pas semblables. Il
y en a de moins mauvais que d’autres et il existe des politiciens qui nous mentent."
Toutes ces informations, passant pour des révélations de la SER, sont fausses, les services secrets n’ont pas infirmé la piste d’ETA, et lorsque le changent rien aux affirmations réitérées de la radio. Sa direction lui demande même pourquoi le légiste met autant d’énergie à défendre le gouvernement, avant de lui raccrocher au nez. Mais le maître-mot a été lâché : mensonge. Il va devenir le leitmotiv des dernières heures précédant l’élection. D’autant que la Cadena SER en rajoute en tendant son micro à Alfredo Pérez Rubalcaba, député de Madrid et proche de Zapatero qui exprime "ressentir une sensation négative, car le gouvernement nous a menti." Le gouvernement a beau arguer de sa bonne foi, ses partisans surnommer la radio "Al-Quaeda SER", rien n’y fait, le ver est dans le fruit. On apprendra par la suite que des consignes ont été passées par le directeur de l’information de la radio, Daniel Anido, de privilégier dès le premier jour, le jeudi, la thèse selon laquelle la provenance de l’attentat est « confuse » : "Si c’est Eta, le PP emporte tout. Si c’est Al-Quaeda, on peut gagner les élections." Bien vu. Pas propre, mais bien vu.

La révolution des SMS
"Aznar s’acharne dans l’erreur ? Et ils appellent ça une journée de réflexion pendant qu’Urdaci, le patron de l’info de TVE, fait son travail de sape à l’antenne ? Aujourd’hui 13 mars à 18 heures, rendez-vous au siège du PP. Viens sans revendication de partis. En silence pour qu’éclate la vérité. Fais passer le message !" C’est en ces termes que
dans la journée du samedi, des milliers de SMS, ou textos, ces messages brefs de moins de 160 caractères ont été envoyés à travers Madrid, et même beaucoup plus loin. C’est historiquement la première fois qu’une manifestation politique est initiée sous cette forme, dite de "flash-mob". Le mérite en revient aux organisations trotskistes espagnoles, qui ont servi de courroies de transmission dans l’organisation des défilés, ainsi que l’ont reconnu par la suite le PTRIzquierda revolucionaria et les magazines El Militante et En lucha qui écrit dans son numéro de mars 2004 : "Aujourd’hui, nous avons adapté les formes de protestation apprises." Nul ne doute que les SMS sont appelés dans l’avenir à jouer un rôle non négligeable dans les manifestations qui surviendront demain sur la planète, donnant un caractère déroutant et inattaquable à
des rassemblements qui n’auront rien de spontané.


Une journée de réflexion troublée
L’exaspération dans le pays est alors à son comble. L’opinion est déboussolée. Le gouvernement, droit dans ses bottes, affirme ne rien cacher et donner les informations dont il dispose en temps réel. Mais la morgue d’Aznar, le côté cauteleux d’Acebes, la rigidité de Rajoy passent mal. Le peuple veut savoir et sent confusément qu’on joue avec lui. D’autant plus que la presse internationale, frappée de cécité, à moins qu’elle n’ait pris une position partisane, emboîte le pas. « Le mensonge d’État », titre un quotidien français. Le pire est à venir : le samedi, veille de jour électoral, consacré à la réflexion et
exempt de toute réunion publique ou politique, consigne a été donnée par des SMS (voir encadré) de se retrouver pacifiquement devant les sièges du PP, partout en Espagne, afin de manifester «en silence afin qu’éclate la vérité ». Rapidement, la foule se rassemble ;
deux cents personnes, puis mille, cinq mille, sept mille devant le siège de la calle Génova.
Effet pervers, autour du siège madrilène du PP ont été installés des cars relais des télévisions du monde entier, venus en la circonstance retransmettre les images des élections du lendemain. Leurs images feront le tour du monde et seront relayées tant par les télévisions locales ou indépendantes que par Internet. Et Canal + Espagne (du même groupe que la SER) montre longuement les pancartes arborées : « Les morts sont à nous, la guerre est à vous », «Non à la guerre », «Paix », « C’est la faute du gouvernement fasciste», tandis que la SER rend fidèlement compte des manifestations à travers l’Espagne, Bilbao, Valence, Alicante, Grenade, Séville, Burgos, etc.
Le cinéaste Pedro Almodovar a répandu la rumeur d’un prétendu "coup d’État" préparé par le gouvernement.

Va-t-on vers un coup d’État?
Dans le même temps, une rumeur enfle. Le PP s’apprêterait à fomenter un coup d’État. C’est Internet, qui décidément peut être la meilleure et la pire des choses, qui diffuse la nouvelle : selon des mails anonymes, et très largement répandus, le gouvernement d’Aznar a présenté au roi un communiqué que le monarque devait signer, convoquant l’état d’exception, repoussant sine die les élections. Juan Carlos se serait refusé à signer, considérant qu’il s’agissait là d’un coup d’État de fait. Tissu d’inepties et de mensonges, ce message vient parachever ces deux jours de déraison et de désinformation, parachevé par les propos du cinéaste Pedro Almodovar qui, lors de la présentation à la presse de son film "La mauvaise éducation" affirme : "Le PP a été sur le point de provoquer un coup
d’État samedi soir…. Et je me suis mis à genoux devant l’inventeur du portable, parce que c’est cet instrument et les messages sur Internet qui ont permis de châtier le PP." En fait, le seul coup d’État "light" constaté est arrivé grâce aux Sms, qui ont permis à 7 000 personnes de passer en direct et en boucle sur les petits écrans espagnols. L’impression à faire prévaloir était que le peuple trompé se révulsait et manifestait en masse devant les "mensonges" du gouvernement. Dont, un an après les faits, on attend encore les preuves. Tout cela ne serait pas apparu sans la manipulation des informations par certains médias inféodés, le groupe Prisa (El País, la SER, Canal +) en particulier. Tout cela est aussi survenu par la suffisance du gouvernement Aznar, qui n’a pas su gérer cette crise majeure et donné l’impression de ne pas tout dire.

Le PSOE monte au créneau
Face à ses sympathisants qui lui demandent d’ajourner les élections, ce que l’on aurait parfaitement compris étant donné les circonstances, Aznar hésite longtemps. Non pas, comme l’inventent les auteurs anonymes d’Internet, en sommant le Roi de signer un quelconque décret, mais pour que le peuple retrouve l’apaisement, faire en sorte que le vote se déroule dans un climat serein. D’après ses proches que nous avons interrogés, son hésitation n’a duré que quelques instants, car pour lui il est hors de question de reculer devant le terrorisme, de quelque origine qu’il provienne. Il est persuadé de n’avoir rien caché, de ne pas avoir menti. Il aurait pu tout dissimuler à l’opinion publique - elle n’en aurait rien su - jusqu’au lendemain du scrutin et assurer à son parti une élection de maréchal. Il en a le pouvoir, mais sa conscience et sa conception du rôle de l’État l’en empêchent. Le reste est affabulation, littérature et désinformation.

Aznar persiste et signe

Interrogé le 29 novembre 2004 durant 10 heures et 40 minutes par la commission parlementaire d’enquête sur le 11-M, celui qui s’est fait traiter d’assassin par la foule madrilène – un comble – l’ancien président du gouvernement n’a pas varié d’un iota dans ses déclarations. Florilège :

« En soixante heures, j’ai garanti la normalité de la vie citoyenne, mobilisé tous les moyens pour assurer les soins aux victimes et aux familles, lancé une investigation rapide qui deux jours plus tard, a amené à l’arrestation des coupables, informé avec une célérité sans précédents et assuré la tenue des élections de façon normale. »

«Des partis de l’opposition et des médias connus pour leur délirante obsession contre le gouvernement du PP ont menti, ont joué à déstabiliser et à acculer un parti démocratique dans l’un des moments les plus difficiles. »

«Je ne crois pas que les auteurs intellectuels des attentats, ceux qui l’ont planifié, ceux qui ont décidé de ce jour, cheminent dans des déserts ou des montagnes très lointaines.»

«Dans les milieux de l’opposition, on a fabriqué la théorie selon laquelle le gouvernement cachait des informations. Nous avons transmis, avec une transparence sans précédents et de forme immédiate, toutes les informations provenant des services de sécurité. »

« Si l’on avait convoqué les élections pour le 7 mars, les attentats se seraient produits le 4, parce que l’on ne cherchait pas seulement des victimes, mais aussi à bouleverser le résultat des élections. »

«Aujourd’hui, on sait que ces attentats ont commencé à se préparer longtemps avant la guerre d’Irak, qu’ils ne sont pas la conséquence de ce conflit, malgré tout ce que beaucoup de gens ont dit. »

«Moi, je cherchais à obtenir la vérité et à arrêter les criminels, tandis que d’autres profitaient de l’occasion pour gagner les élections. »

«Aujourd’hui, j’agirais de la même manière. Je n’ai pas à demander pardon, car nous avons fait ce qu’il fallait. »


Mariano Rajoy, droit dans ses bottes, a eu du mal à réagir à la campagne de rumeurs répandues par l’extrême-gauche à l’instigation du Parti socialiste.

Alfredo Perez Rubalcaba, né en 1951, il est docteur en chimie, professeur, ministre des Universités (1992-1993) et ministre de la Présidence (1993-1996). Il a joué un rôle clef dans l’opération de désinformation entamée par la SER dans les heures qui ont suivi l’attentat. Il est un des artisans de la victoire de Rodriguez Zapatero.

à droite: à la une de l’ABC.


Croire que du côté du Parti socialiste ouvrier espagnol, on est resté inerte serait fallacieux. Un personnage en particulier s’agite en coulisses. Il s’agit de Rafael Vera, un vieux guerrier du socialisme espagnol, ancien secrétaire d’État à la Sécurité sous Felipe González. Condamné pour avoir été l’un des idéologues du GAL, ce groupe terroriste anti-ETA fomenté par des proches du Pouvoir, puis pour appropriation de fonds réservés, et incarcéré quelque temps, il prend l’initiative de relancer certains de ses anciens collaborateurs au ministère de l’Intérieur. Ses sources doivent être bien placées puisqu’il parvient, quasiment en temps réel, à posséder les mêmes informations que le ministre en personne. Cela va lui permettre, pour utiliser une image footbalistique, de pratiquer un véritable "marquage à la culotte" d’Acebes. Les renseignements, il les fait passer directement au porte-parole du PSOE, ancien ministre de l’Éducation, Alfredo Pérez Rubalcaba, homme de confiance de Zapatero. Un dur, qui s’est fait remarquer dans le passé en traitant le ministre des Travaux publics, Rafael Arias Salgado, de «menteur». Déjà! Il voit immédiatement le profit à tirer de cette manne providentielle et demande à en être le seul bénéficiaire, afin de répondre au fur et à mesure aux déclarations télévisuelles d’Acebes. Et surtout, il prend la décision de la distiller auprès de médias qui lui sont proches. L’ombre de la SER et du groupe Prisa se dessine. Et lorsque Rajoy intervient pour condamner les manifestations devant les sièges du PP, c’est Rubalcaba en personne qui rétorque en accusant le gouvernement de mentir. On connaît la suite.

Le dénouement

Jose Luis Rodriguez Zapatero, premier ministre par accident ?

Le dimanche 14 mars, trois jours après les attentats du 11-M, José Luis Rodríguez Zapatero, chef de file du PSOE, remporte haut la main les élections générales par un score sans appel : 10.602.260 voix, 42,69% et 164 sièges. Le Parti populaire ne récolte que 9.358.580 voix, 37,68 % et 148 sièges. Des chiffres impensables 72 heures auparavant, alors que le PP possédait d’après les sondages au moins six points d’avance. Une enquête postérieure prouvera que 13,5% des Espagnols ont changé durant cette période le sens de leur vote. Le scrutin a lieu dans une ambiance d’affrontement civil exacerbé, faisant de ces neuvièmes élections législatives depuis la mort de Franco en novembre 1975 la consultation la plus atypique et la plus anormale de la jeune démocratie. Dire que le PSOE ne l’emporte pas grâce à la commotion due à l’attentat serait une insulte aux faits : clairement, remarquablement, il a utilisé la commotion cérébrale causée par les tragiques événements et exploité la rage du peuple envers un gouvernement qui a n’a pas hésité à envoyer en Irak des soldats espagnols, contre sa volonté clairement exprimée. Et obtenu, en instrumentalisant ouvertement l’attentat, un bénéfice politique inespéré, ce qui ne rend nullement illégitime l’élection à la présidence du gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero. Mais en fait un "président par accident". Car pour tous, les électeurs, les commentateurs, les spécialistes, il ne fait aucun doute que les attentats d’Atocha ont été commis par Al-Quaeda pour punir l’Espagne d’avoir envoyé des troupes en Irak. Las, cette hypothèse s’avère fausse : l’arrestation le 7 juin 2004 à Milan de Rabei Osman El Sayed, alias "Mohamed l’Egyptien" (voir encadré) permet avec certitude de dater la décision des islamistes de châtier l’Espagne : octobre 2001. Soit deux ans et demi avant la décision d’Aznar de rejoindre " l’axe du mal" Bush-Blair. Le massacre de Madrid n’a donc rien à voir avec l’envoi des soldats espagnols à Bagdad… C’est parce que l’Espagne symbolise un État occidental décadent, détenu jusqu’en 1492 par l’Islam qu’elle a été la cible des activistes musulmans. Une terre de reconquête, nommée Al-Andalus, que les Islamistes entendent faire leur pour 2025, ainsi que l’affirment les Écritures. Uniquement à cause de cela. De la haine, du cynisme, des mensonges, des manipulateurs. Et malheureusement 192 victimes. Vraiment, une très triste histoire.

Jean Chalvidant, docteur en civilisation espagnole, est le spécialiste de l’Espagne et de l’Amérique latine au MCC (Institut de criminologie) de l’université Paris II Panthéon-Assas.